dimanche 12 janvier 2014

"Nymphomaniac, Vol. 1", Lars Von Trier

Il est difficile de juger ce film.


Il est difficile de juger ce film parce que je l'attends depuis très longtemps, la conjonction de mon actrice préférée (Charlotte Gainsbourg, pour ceux qui ne suivent pas) et de celui que je peux plus ou moins appeler mon réalisateur préféré (Lars Von Trier, donc) étant toujours très appétissante (rappelons l'exceptionnel "Melancholia" et oublions très vite l'incroyable misogynie de l'autrement très beau "Antichrist"), surtout sur un concept tel que celui-ci : suivre la vie sexuelle d'une femme lors des cinquante premières années de sa vie. Si la réalisation, toujours aussi efficace et poétique, est cependant un brin en-dessous de ce à quoi Von Trier nous a habitués, Charlotte Gainsbourg est toujours aussi lumineuse bien sûr, et Stacy Martin, qui joue la version plus jeune du personnage, est prometteuse, bien qu'un peu trop passive pour l'instant.


Il est difficile de juger ce film surtout parce qu'il y a, en tout, cinq heures et demie de film. Sauf que c'est trop. Mais que Lars aimait tout. (Un peu comme Kechiche, en fait. "TOUT EST GENIAL JE VAIS FAIRE UNE EPOPEE."). Bon, sauf que lui, il a bien compris qu'il ne pouvait pas faire un film-fleuve. La décision fut prise de diviser en deux parties le film. Et le montage a été confié à un tiers ; c'est la première image que l'on voit de "Nymphomaniac", et peut-être la plus perturbante : un "disclaimer" explique qu'il s'agit là d'une version courte du premier volume, que le montage n'a absolument pas été effectué par le réalisateur qui n'a fait que donner son approbation, "sans plus d'implication de sa part". Cela aura quelques effets néfastes : certains chapitres (il y en a huit en tout, dont cinq dans ce volume) souffrent de cette concision excessive qui condensent leurs métaphores jusqu'à les rendre vraiment poussives (la séduction c'est comme la pêche, ah oui).


Cette version courte est aussi et surtout censurée. Les fameuses scènes pornographiques sont éludées, résumées et tronquées. Elles qui constituaient la raison d'être du film ne seraient qu'entraperçues. Oh, on en voit déjà suffisamment pour que le film mérite un "interdit aux moins de seize ans" - en réalité, il ne l'est qu'aux moins de douze, mais je suis personnellement bien content de ne pas l'avoir vu dix ans plus tôt. Cependant, la représentation du sexe y est passionnante : elle est à la fois fédératrice et déshumanisante, tant Joe accepte tous les individus ce qui finit par nier leur individualité. On ressent cette multiplicité des corps et des hommes, tout en les ramenant forcément à des êtres de chair et de sperme. Les quelques personnes épargnées par cette voracité seront les personnages de Shia LaBeouf, et surtout d'Uma Thurman, merveilleuse.


Mais, au-delà de ça, c'est le simple fait qu'il s'agisse d'une première partie qui m'empêche de critiquer ce film. Son écriture est certes d'une précision et d'une complexité captivantes, mais il se termine sur une plaque tournante. Il est dès lors impossible de se prononcer : le fond du film est-il féministe, promouvant une image de femme forte et sûre de sa sexualité, ou misogyne, ce qui serait bien plus cohérent avec l’œuvre de Von Trier et avec cette tendance qu'a le personnage de Charlotte Gainsbourg à s'auto-flageller d'avoir été une telle catin ? Quel sera le propos final quant à la sexualité : cette pratique outrancière est-elle sale, normale, intelligente, maîtrisée ou pathologique ? En quoi se conclura la dualité entre Seligman, l'homme qui accueille Joe blessée dans une ruelle, et cette nymphomane, si décomplexée dans les flash-backs, si pleine de haine d'elle-même dans le présent ?



Je reviens vers vous le 29 janvier. Et j'espère ne pas avoir alors besoin de la version de 5h30 pour me faire un avis plus articulé.

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