jeudi 11 juillet 2013

"L'Inconnu du Lac", Alain Guiraudie

Le nouveau film d'Alain Guiraudie a fait parler de lui par les réactions homophobes qu'il a entraînées de la part de certains Français à l'esprit étriqué, mais aussi, et heureusement, par ses qualités cinématographiques. Il raconte une rencontre dangereuse entre deux hommes au bord d'un lac réputé pour les liaisons homosexuelles, et au fond duquel on retrouve bientôt un cadavre...

ohlalalalala qu'elle est choquante cette affiche

L'unité de lieu de cette plage d'eau douce procure le caractère intriguant du huis-clos, les personnages existant seulement dans ce contexte particulier, tout en proposant un cadre magnifique. La lumière naturelle qu'elle offre notamment sublimera l'image et baignera l'ensemble du film dans une chaleur incomparable, propice au récit qui s'y déroule et à la représentation du corps qui l'accompagne. L'efficace simplicité de la mise en scène en ressortira à l'image de ces journées estivales : claire et éclatante, parfois pesante et étouffante.


L'ambiance est parfaitement posée pour contraster avec la chair débordante, la peau omniprésente, moite, tirée ou flasque, glabre ou poilue, de tous les figurants nudistes, dont la multiplicité des physiques associe réalisme et absurdité, naturel et grossièreté. C'est là l'exploit du cinéaste : intégrer dans son récit le corps masculin sous toutes ses formes et dans tous ses angles, tour à tour alléchant et répugnant, suggéré et exhibé. Et tous ces corps exultent, bien sûr : Guiraudie va jusqu'au bout en montrant des scènes de sexe gay. C'est finalement cette audace que l'on retiendra le plus de son œuvre : les pratiques homosexuelles enfin représentées sans pudeur et sans fausseté. Malheureusement, il ne parviendra pas à retranscrire leur érotisme, et s'enfermera dans une pornographie peu intéressante, malgré l'atmosphère bouillonnante.


A travers ce bordel maîtrisé, ce lieu de non-droit, des hommes se croisent : le plus touchant restera Patrick d'Assumçao, et le sort réservé à son personnage de spectateur ambigu constitue la preuve d'un réel talent quant à l'écriture de personnages. Face à lui, Frank, jeune homme perdu et éperdu, assiste à un crime et succombe à son attirance pour l'assassin. L'ambivalence de cette attraction aurait gagné à être exploitée davantage, et le développement de la relation entre Frank (Pierre Deladonchamps) et Michel (Christophe Paou) apparaît parfois un peu bancal. Comme le dira, en sentence et conclusion, l'antinomique inspecteur (Jérôme Chappatte) : "Vous avez une drôle de façon de vous aimer". Parce que pour finir, qui est "l'inconnu du lac" ? Est-ce vraiment ce noyé, ou bien ce ténébreux tueur mystérieux, ou encore le pauvre Frank, esclave de sa passion ? Sans répondre à cette question, Guiraudie finit par transposer l'ambiance qu'il a su créer pour en faire un univers brillamment anxiogène, dans une fin perturbante et haletante.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Hé les copains, vous pouvez choisir l'option "Nom/URL" pour qu'on sache qui vous êtes. Comme ça si vous me faites des compliments je saurais à qui faire des bisous. Et si c'est des critiques je saurais qui rayer de ma vie. Paix amour bonheur!