dimanche 7 avril 2013

"No", Pablo Larraín

En 1988, un référendum est organisé au Chili pour définir si Pinochet, au pouvoir depuis un coup d'état en 1973, doit rester à la tête du gouvernement. C'est la première fois que la campagne politique passe aussi par la télévision, et les partisans du "No" entreprennent la tâche de motiver leurs concitoyens à s'opposer à la présidence de Pinochet, malgré leur peur, le sentiment d'inutilité et leur désespoir. "No" raconte cette campagne, menée par René Saavedra, publicitaire.


 Le film place donc son récit à une époque de grandes mutations, idéologiques et technologiques. L'intérêt est de montrer l'union de ces deux concepts : avec la télévision, il est possible d'appliquer des principes publicitaires pour motiver le votant à choisir le "No", qui devient un produit à faire vendre. Cette idée et ce qu'elle implique se trouvent être passionnants, bien qu'on regrette souvent que les choses n'aillent pas plus loin, que l'on n'explore pas ou peu les dérives de cette adéquation nouvelle. D'ailleurs, le film semble constamment hésiter sur son focus, peinant à trouver la bonne distance dans une histoire à la fois nationale, concrète et personnelle.


La même chose peut en être dite de sa réalisation : souvent approximative, une caméra tremblante s'allie à des choix peu justifiés de mise en scène, comme ces brusques changements de décor lors des conversations, qui font tâche dans un film montrant peu d'autre ambition artistique. On appréciera cependant ce grain intrinsèquement latin de l'image, dont j'ai déjà parlé à moult reprises dans presque tous les films se passant en Amérique du Sud, et qui est parfaitement construit ici, ainsi que la reconstitution amusée des années 80 chiliennes.


Au total, si "No" peine à formuler pleinement son propos, son idée de base restera bonne, et on saura en savourer les moments d'humour, de suspense, de paranoïa ou d'injustice. Le jeu de Gael García Bernal est bien sûr impeccable, dans un rôle plus confiant qu'habituellement, et le suivi de son personnage tout au long d'un moment historique peu enseigné en France reste très intéressant.

samedi 6 avril 2013

"Quartet", Dustin Hoffman

Le premier film réalisé par Dustin Hoffman se passe dans une maison de retraites pour musiciens, qui doivent organiser un gala pour en maintenir les finances.


Le réalisateur parvient tout d'abord à faire totalement oublier ses origines outre-Atlantique, tant sa comédie est résolument britannique. Cela passera par les décors luxuriants de la campagne anglaise, qui avaient déjà fait presque tout le charme de "Tamara Drewe" de Stephen Frears il y a quelques années, l'indémodable qualité pince-sans-rire de la narration, et surtout, les dialogues, secs et percutants. On se régalera ainsi de cette ambiance so British, sauce troisième âge, qui utilise, certes sans surprise, les ficelles du genre, rendant les personnes âgées tour à tour mignonnes, choquantes, têtues et fragiles. Si tous les gags ne fonctionnent pas, loin de là, il faut admettre que beaucoup de répliques font mouche, et que le reste du temps, l'atmosphère guillerette compense les quelques erreurs d'humour.


L'histoire se concentre sur les personnages, un brin stéréotypés, du fameux quatuor, qui ont déjà chanté ensemble il y a de nombreuses années et devront se décider à se réunir à nouveau pour sauver Beecham House, malgré les vieilles rancunes. Tom Courtenay est très juste, Pauline Collins et Billy Connolly divertissent allègrement, mais il était clair dès le départ que tout reposerait sur la célèbre Maggie Smith. Dans un rôle parfois mal défini, celle-ci offre en fait une performance convenable, qui maintient le film sans le sublimer. L'ensemble se meut dans cette même direction tranquille : sans trop d'efforts, et jusqu'à une fin en queue-de-poisson qu'il ne semble pas savoir gérer, "Quartet" suit un schéma conventionnel et attendu, mais offre un divertissement sympathique.