dimanche 20 janvier 2013

"Le Monde de Charlie" ("The Perks Of Being A Wallflower"), Stephen Chbosky

Je l'ai souvent dit, il y a des films dont on attend peu. Probablement à cause de critères bobos, par exemple qu'ils ne sont diffusés qu'à l'UGC et pas dans les cinémas d'art et d'essai de la ville, ou bien ils ont des acteurs ultra-connus en tête d'affiche, ou bien l'affiche, ou bien le titre, etc. Et puis en fait, on y va quand même. Et puis en fait, c'est merveilleux. Et puis en fait fait, du film probablement blockbuster-téléphoné-décevant, on donne sur un petit bijou, de ceux dont la réussite artistique reste avec nous et nous porte longtemps après la séance.


"The Perks Of Being A Wallflower", ou "Le monde de Charlie" en V.F. (pffff), fait partie de ceux-là. En apprenant qu'il s'agit de l'histoire d'un jeune garçon qui entre au lycée, et qui, timide et sensible, se sent bien différent de ses camarades, avant de rencontrer des terminales super cools qui l'initient à la fête, la drogue et le sexe, bon, bon, bon, il y avait de quoi faire demi-tour : on voyait déjà les clichés, les messages bien-pensants et la morale puritaine remporter le tout, une sorte de "Glee" sans la musique. Stephen Chbosky, en adaptant son propre roman au grand écran (faites que chaque adaptation de livre soit réalisée par l'écrivain!), évite gracieusement tous ces pièges. Il dépeint un lycée effectivement cruel, empli de castes et d'intolérance, avec au milieu de ça, Logan Lerman jouant Charlie, jeune ado effectivement timide et sensible. Mais cette différence n'est jamais niaise : elle trouve au contraire ses racines dans un développement clair, profond et complexe du personnage. Et d'un coup, "Le monde de Charlie" passe de l'autre côté.


Charlie rencontre Patrick et Sam. Ezra Miller, redoutable dans "We Need To Talk About Kevin", habite ici un rôle diamétralement différent avec légèreté et maîtrise, d'un personnage extrêmement touchant dans un univers intolérant. Emma Watson, quant à elle, est lumineuse : on oublie tant son rôle précédent que je ne le citerai même pas... Elle est, sans nul doute, la seule des trois de "Harry Potter" qui, grâce à son talent, saura se forger une carrière intéressante. Si beaucoup de personnages secondaires verront leur rôle un peu sacrifié, les dialogues sont percutants, amusants, rarement à côté. Et l'épopée des trois protagonistes dépasse très rapidement le voyage initiatique de base : en réalité, le film brasse avec humanité et intelligence de nombreux thèmes, tout en faisant preuve d'une subtilité et d'une délicatesse rares. Les plus grandes horreurs seront murmurées avec tact, les plus petits plaisirs seront rugis avec passion, avant de tous se réunir dans un récit complexe, réaliste, et, ô surprise : surprenant.


Ajoutons à cela le charme suranné des années 80, une chaleur généreuse de l'image, cet aspect toujours un peu plus lisse, net et brillant du grain qu'ont les films à plus gros budget, une bande originale à se damner, de multiples savoureuses références culturelles, "The Rocky Horror Picture Show" en tête. Et puis encore cette sensibilité à fleur de peau qui traverse tout, les personnages, les images, la narration fébrile, cette subtilité pleine de goût dans la réalisation, les couleurs, la lumière. Et voilà : là où l'on s'attendait à un film d'ados faisant moins bien que les récentes figures de proue ayant renouvelé le genre ces dernières années (Gus Van Sant, "Skins"...), on se retrouve avec une œuvre puissante de poésie, d'intelligence, de beauté.


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