lundi 9 avril 2012

"Hunger Games", Gary Ross

Oui donc voilà. Je vous parle de "Intouchables" la dernière fois, silence radio pendant deux semaines (bon, ok, trois), et je reviens comme une fleur discuter de "Hunger Games". Alors, je vous arrête tout de suite : non, je n'ai pas été kidnappé dans mon sommeil par un fanatique déséquilibré qui m'aurait ensuite remplacé ni vu ni connu sur ce blog à l'influence désormais internationale. Non, avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités et je ferme donc toujours ma porte à clef avant d'aller me coucher (quitte à enfermer l'homme de mes jours dehors, il lui faut apprendre la dure vie avec les puissants). Et ma sélection récente de films sera très vite relevée. J'ai environ un million trois de chroniques en retard. Tout va bien.

Je suis donc, moi le snobinard, allé voir cette grande production américaine, gentiment resucée de "Battle Royal" (que, ne connaissant pas vraiment, je ne peux que me contenter de citer pour faire cultivé). En très bonne compagnie par ailleurs, mais vous vous en fichez un peu, non ?


Je ne sais pas pourquoi mais j'avais espoir. Et il faut dire que tout a bien commencé. Il s'agit de l'histoire futuriste d'un monde où, après une grande rébellion écrasée par le gouvernement, le peuple est gardé dans la terreur par l'organisation annuelle de jeux télévisés sanguinaires auquel chaque district doit envoyer deux de ses adolescents. Les candidats, de douze à dix-huit ans, se retrouveront dans une grande forêt virtuelle où leurs moindres faits et gestes seront retransmis pour le plus grand plaisir de la noblesse décadente, alors qu'ils essaient de survivre et de s'entretuer dans cette compétition où il ne peut en rester qu'un.


L'idée, si elle n'est donc pas originale, a beaucoup de potentiel, et celui-ci se déploie dès le commencement. Le film prend effectivement le surprenant parti pris de se focaliser plus longtemps sur l'avant-jeu, que sur les Hunger Games en eux-mêmes. Le temps d'apprendre à connaître le monde de science-fiction qui nous est proposé ici : son histoire, ses districts, des plus pauvres aux plus riches. La vie du peuple et la vie de la noblesse, dont les costumes extravagants assortis de maquillages et coiffures excentriques apportent une crédibilité très esthétique à l'étrange univers décrit. Les parallèles avec notre société sont abondants mais relativement subtils, et invitent notamment à réfléchir sur les classes sociales et les dérives de la téléréalité. Si on avait poussé un peu plus, on en aurait presque même touché à un portrait simple mais fidèle de la nature humaine, mais ce blockbuster n'en a pas la prétention. Il se contente d'utiliser son gros budget pour créer un royaume où la pauvreté des uns contraste avec le luxe futuriste des autres, et c'est pour l'instant déjà très bien comme ça.


Et puis les candidats entrent dans l'arène... C'est-à-dire surtout Katniss, personnage principal, archétype de la fille droite, un peu bonnasse façon garçon manqué avec des seins, pas très sociable mais avec un cœur d'or. J'arrête la description avant que vous ne vous endormiez, mais disons-le maintenant, ce sera fait : ce protagoniste est ennuyeux et inintéressant. Aucune profondeur ne lui est rattachée, la laissant irrémédiablement et uniformément unidimensionnelle, là où son évolution dans un monde soudain si cruel aurait pu être fascinante. Jennifer Lawrence, qui l'interprète, n'aide en rien : elle n'a qu'une seule expression faciale et ne laisse de souvenir que celui de son portrait photoshopé de l'affiche, tant elle échoue à emprunter une autre couleur de jeu durant tout le long-métrage, ce qui va même à en gêner la compréhension par moments. Soulignons d'ailleurs qu'aucun acteur ne laissera vraiment une marque plus profonde : les comédiens luttent avec le caractère résolument lisse de leur personnage ou s'en contentent tristement. Seul Lenny Kravitz, contre toute attente, se fera remarquer, sans doute grâce à un charisme plus riche que celui de tous les autres réunis.


A compter de cette entrée dans le jeu, donc, le propos du film s'essouffle rapidement. Il commence pourtant par quelques idées novatrices et prometteuses : c'est avec intérêt que l'on suit les moyens que Katniss met en œuvre pour survivre sans combattre, et toutes les alternatives que les autres nominés choisissent. Certaines scènes tiennent en haleine par des effets spéciaux réussis et une tension bien maîtrisée, et participent à plonger le spectateur le plus réticent dans cette lutte à la vie, à la mort. Malheureusement, l'histoire dérive très rapidement sur d'immondes clichés. "Hunger Games" agace alors : il sabote ouvertement son potentiel au nom des stéréotypes hollywoodiens. S'enchaînent ainsi les conflits manichéens, les retournements de situation sans surprise, et une insipide et inutile romance à laquelle personne n'a l'air de croire, aussi bien les acteurs, les scénaristes que les personnages eux-mêmes. La crédibilité y est sacrifiée plus d'une fois et la mièvrerie reprend le dessus sur la sauvagerie qui aurait pu, qui aurait dû être exprimée dans ce contexte violent.


Le combat final se veut spectaculaire mais se fait grandement inintéressant, d'autant plus qu'il est très mal filmé, à l'image du reste du film. En effet, les mouvements de caméra sont erratiques, rapides et imprécis, espérant sans doute créer un sentiment d'urgence alors qu'ils ne font qu'obscurcir le suivi des événements (et peut-être dissimuler les doublures ?). C'est d'autant plus regrettable dans un récit où les caméras sont omniprésentes pour enregistrer sous tous les angles. Mais une fois cette pénible séquence obligatoire dépassée, un dernier espoir soulève le film : sera-t-il sauvé par une résolution ambitieuse et surprenante, ou se vautrera-t-il la tête la première dans le fiel des stéréotypes jusqu'au bout ? Il est incroyable à quel point une histoire peut être puissamment relevée par sa fin. Si elle est réfléchie et porteuse d'un message, celui-ci va transpercer rétrospectivement tout le film et corriger, voire excuser, ses défauts les plus ignobles. Si elle apporte un twist inattendu, elle ramène complètement l'ensemble du récit sur un autre niveau et, à condition d'avoir préparé le terrain, donne une impression de génie.


Dans le cas de "Hunger Games", à cette seconde même où les plus belles possibilités créatives de dénouement s'offrent au film et lui tendent la main pour en faire une production puissante, profonde, voire importante, est choisie la solution de facilité. Celle que tout le monde avait vue venir vingt minutes auparavant, celle qui n'apporte rien au film, celle qui le cristallise dans ses stéréotypes fadasses. Et quand, par les dernières secondes, elle révèle son intention mercantile d'une ouverture à une suite si réussite commerciale, elle renvoie définitivement ce film au rang des productions à oublier au plus vite. Ou peut-être mon snobisme rêve-t-il trop qu'un blockbuster aussi exposé puisse raconter une histoire sombre et riche ? Quelle déception, en tout cas, quel dommage de gâcher un tel potentiel au nom de l'argent. La preuve, si besoin en était, que ce sont tous les autres films qui font du cinéma un art.

1 commentaire:

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