lundi 19 mars 2012

Pourquoi je n'ai pas aimé "Intouchables".

Voilà, voilà. On a gentiment évité le sujet pendant quelque temps, tant et si bien qu'aujourd'hui, j'arrive un peu après la bataille. Mais mon côté PIFBP m'a empêché de m'y pencher plus tôt parce qu'au quotidien, on me parlait de ce successeur de "Bienvenue chez les Ch'tis" et "Avatar", en me répétant "Hé mais toi qui aimes le ciné, t'as dû voir le film que j'ai vu hier, il était trop bien !". Mon attachant (si, si) snobisme a réagi face à ce plébiscite de façon très méfiante, trop échaudé que j'étais par le succès peu mérité des prédécesseurs sus-cités. Par la suite, comme il y a toujours mieux à voir au cinéma... Quoi qu'il en soit, j'ai préféré attendre que cette méfiance mesquine s'évapore naturellement avant de tenter l'expérience.



Croyez-moi donc quand je vous dis que lorsque j'ai regardé le film, c'était avec espoir et objectivité. J'étais dans le bon état d'esprit, prêt à regarder un divertissement, à rire devant une bonne comédie, sans prise de tête ni aucun souci philosophie. Je me suis même entêté pendant la première moitié du long-métrage à répéter que la suite serait certainement meilleure. Mais, comme vous vous en doutez, je n'ai pas accroché. Pourquoi, donc.

1. L'histoire (ou manque de)

Un tétraplégique milliardaire emploie comme aide à domicile un gars des cités que sa mère a jeté dehors après son séjour en prison. N'y a-t-il pas là un certain nombre de clichés nauséabonds ? L'homme très riche mais qui n'a pas la liberté de la validité, et qui a tant souffert par le passé que son cœur est devenu dur comme du verre. Et surtout le banlieusard qui a fait de la prison, qui connaît mille combines, qui gueule, qui s'occupe de sa famille, qui fume des joints, qui gueule, qui se moque de l'opéra, qui gueule, mais qui au fond, a un cœur grand comme ça et surtout un versant artistique. Je pense que j'aurais pu encaisser le tout, au nom de la comédie grand public, si ce n'est pour ce dernier côté peintre sorti de nulle part. Tentative infondée et inexpliquée de rapprocher les deux personnages. Il n'y a pas plus stéréotypé...
Ensuite, l'histoire d'une rencontre entre deux profils différents de laquelle naîtra une grande histoire d'amitié de laquelle tous deux sortiront grandis n'a rien d'original ! En effet, à partir de là, tout est téléphoné. La fin est sans surprise, tout comme le déroulement qui y amène. Le schéma narratif est on ne peut plus traditionnel : rencontre avec clash, essai et apprentissage, rapprochement progressif, puis événement extérieur qui interrompt le tout, déprime, reprise comme avant et tout va mieux pour toute la vie. Je pensais que le film préféré des Français ferait preuve de plus d'originalité.



2. L'humour (ou manque de)

Alors, d'accord, c'est subjectif. Mais je pensais vraiment que j'allais me bidonner, ou au moins rire de bon cœur une paire de fois. Et en fait, rien du tout. Je confesse que je n'ai pas vu le film dans une salle pleine comme à sa sortie, ce qui explique sûrement que, en dehors de la liesse générale, j'ai eu plus de mal à accrocher. Mais les répliques ne m'ont pas paru drôles. Pas du tout. J'ai bien sûr esquissé quelques sourires devant certaines situations, mais tout m'a paru très déjà-vu. En comparaison, j'ai trouvé "Le Nom des Gens" mille fois plus novateur et mille fois plus hilarant. Là, Omar Sy qui balance ses vannes en rigolant déjà de leur effet, on l'a en regardant le SAV, ce que j'ai arrêté de faire il y a très longtemps. Et les tentatives à l'iconoclasme sont bien maigres et sont donc couronnées d'un échec à cause de leur manque d'ambition ; je serais tenté de dire que si on veut se moquer des handicapés ou des noirs, on y va franchement, on ne le fait pas du bout des lèvres avant de sourire, tout fier d'avoir osé aborder le sujet en public. A ce titre, je me suis senti comme quand on attend la chute d'une blague alors qu'elle est  déjà terminée : on reste immobile, le sourire figé prêt à se transformer en rire, et puis, devant la prévisibilité des gags et la médiocrité des blagues, on se retrouve un peu bête et aigri de s'être attendu à davantage.



3. L'interprétation (ou manque de)

Un César pour Omar Sy ? Le bonhomme fait certes son travail, délivre ses répliques, vogue sur le succès de ce pour quoi il est déjà connu et en applique la même recette. Il est jovial et cela colle bien au personnage, mais il n'y a rien de réellement riche dans son interprétation. Omar Sy est peut-être un bon comique mais pas encore un acteur digne d'un César, car il est visible que son jeu ne repose pas sur un vrai travail de comédien. S'il avait fallu récompenser l'un des deux, j'aurais plutôt félicité François Cluzet, dont le jeu devait tenir sur une vraie contrainte physique. Et en comparaison, il parvient largement plus à transmettre des émotions. Alors qu'Omar, quand il ne s'agit pas de dire une blague, c'est plus vite limité.
Les personnages secondaires sont peut-être plus intéressants : Anne Le Ny notamment, dans le rôle d'Yvette, est drôle et touchante, et son jeu amène une réelle évolution au personnage. Audrey Fleurot, très jolie, se débrouille comme elle peut dans un personnage qui tient sur une révélation finale qui n'a malheureusement rien de très étonnant dès les premières scènes.




4. Le fond (ou manque de)

Alors voilà. A ce moment de l'article, vous êtes sûrement persuadé que je ne suis pas drôle et pas sympa.

Je ne reproche à personne d'avoir aimé "Intouchables". Si je suis aussi sévère avec ce film, c'est en raison du décalage entre sa qualité et son succès, que je ne comprends pas. S'il était resté aussi célèbre que n'importe quelle autre des dix comédies que la PAF produit par an, j'aurais sans doute pu conclure que c'était là un divertissement correct et sans prétention. Mais l'incroyable réussite nationale d'un tel film, qui n'a rien d'exceptionnel, m'est incompréhensible.

En ce qui me concerne, ce film n'apporte rien de nouveau. Sur la forme, aucun effort de réalisation (notons ce passage en accéléré pour faire comprendre qu'on est revenu au flash-forward du début mais pour pas perdre trop de temps quand même), comme beaucoup de comédies du style, et une interprétation simplement passable. Sur le fond, une montagne de clichés, une histoire téléphonée et des répliques consensuelles. J'ai besoin qu'un film dise quelque chose.



Il faut bien se souvenir qu'un film, à l'origine, n'est constitué de rien, d'aucun support. C'est à son créateur de tout choisir et de tout contrôler. Chaque seconde du film relève d'une décision artistique. Chaque son, chaque couleur, chaque mot, chaque accessoire, chaque cadrage, chaque phrase, chaque silence, chaque mouvement. Il n'y a aucune limite et tout est possible. C'est alors à l'équipe artistique de faire, de produire, de créer quelque chose pour remplir cette fenêtre de temps. Et je trouve qu'occuper cette heure et demie à raconter une histoire sans originalité de façon banale, ça n'a pas d'intérêt. J'aime que les films aient un message, ou au moins un propos, quelque chose à dire, quelque chose de nouveau, qui n'a pas été dit des centaines de fois auparavant. Car c'est bien là la base de l'art : exprimer.

"Intouchables" n'exprime rien d'autre que des bons sentiments consensuels. A quoi bon ? Face à une histoire et une réalisation oubliables, ne reste que l'humour comme seul trait que le film a pour lui. Si on parvient à en rire sans avoir l'impression d'entendre ces mêmes blagues en plus drôle au quotidien (sans doute mes amis sont-ils hilarants), tant mieux, sincèrement, tant mieux. En ce qui me concerne, je suis passé à côté, parce qu'à mes yeux le cinéma est un art, et quand on en fait quelque chose qui n'a rien à dire, ça ne me touche pas.

Tant pis.

7 commentaires:

  1. c'est exactement ça, il fallait juste le regarder avec les mêmes yeux de l'amour que quand on va à la zone commerciale régionale de noyelles godault : y'a rien à y faire, mais vas y et laisse toi porter par la foule ! JOIE

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  2. Et sociologiquement parlant, ce n'est pas très convaincant. Beaucoup de personnes en situation de handicap se plaignent de l'image dégagée par le film.

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  3. Moi je suis aller le voir avec un a priori défavorable (On en a trop parlé, on a tout vu dans la bande annonce alors j y vais pour accompagner ma moitié). Je n’ai rien analysé, j’ai souris même ris ce qui ne m’arrive pas si souvent au cinéma. Alors en sortant j’ai eu l’impression d’avoir passer un bon moment. Je l’ai regardé comme une pure fiction, comme un moment de comédie. C’est en lisant ta critique qu’il me vient à l’esprit que l’on peut rapprocher ce film de situations réelles, et je comprends ce que tu écris.

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  4. c'est ça ! le syndrôme NOYELLES GODAULT ! pardon "avec un I" mais ça image bien.

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  5. Moi j'ai bien aimé :)
    J'étais un peu saoule dans mon canapé avec 2 copains donc le film passait plutôt bien ;)
    Après, il y a certainement un manque de réalisme (un peu trop utopiste on va dire), et j'ai aussi préféré Le Nom des Gens !
    Bises !

    Manon

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  6. Merci pour cette analyse ! J'ai vu le film hier, et tu décris exactement ce que j'ai ressenti (ouf, je ne suis pas anormale). Cathy

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  7. Rooo ça fait du bien de pas se sentir seule au monde "quoi? t'as pas aimé Intouchables!? C'est quoi ton problème?" lol. Ça commençait pratiquement à me poser un cas de conscience, suis-je anormale?
    Alors c'est basé sur une histoire vraie donc ok...Mais en effet la retranscription genre bon on va mettre un black de banlieue qui sort de prison et de l'autre un richard bcbg handicapé... ahem...On dirait un peu un conte pour enfants, une histoire simpliste pour que tout le monde capte....Je veux dire ok c'est beau, c'est rare, un peu comme une avocate qui épouserait un technicien de surface, ça arrive sûrement, mais pourquoi être tombé dans les clichés extrêmes? Et puis bon il est glamour l' handicapé, François Cluzet porte bien son handicap, on a pas voulu trop "déranger"...Idem le "black des banlieues" bon au début on fait style il sort de prison et est un peu crevard et au final il est un peu trop sympatoche. Alors pourquoi ne pas avoir joué la carte à fond. Tout reste trop propret, trop manichéen, pas si assumé que ça....L'idée de base est bonne mais peut mieux faire... Et alors cet engouement restera pour moi un véritable mystère...Est-il devenu ce qu'il est devenu car il était bien médiatisé ou a-t-il été très médiatisé car il a suscité une vive émotion auprès du public...Sachant qu'on vit à l'ère des secret stoy, star ac, et autres émission débilisantes....

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