lundi 5 mars 2012

"Detachment", Tony Kaye

"Detachment" dresse un portrait sans concessions des difficultés scolaires aux États-Unis, à travers le regard imperméable et désabusé de Henry Barthes, professeur remplaçant qui arrive dans un nouveau lycée pour quelques semaines.


Vaste sujet que celui choisi par ce film, et ce d'autant plus qu'il y ajoute les divers sujets de la prostitution d'une pré-adolescente, l'inceste, la maladie dégénérative, et bien sûr toutes les dures conséquences psychologiques sur le corps enseignant aussi bien que sur les élèves d'un système scolaire insatisfaisant. Cette diversité un peu brouillonne du fond se retrouvera dans la forme : le film navigue entre une sorte de narration/témoignage/synthèse par Henry, l'histoire en tant que telle, des interviews de profs, des animations, des compositions picturales en tout genre. Une telle variété est certes intéressante, mais un choix plus strict aurait sans doute été préférable, car à vouloir jouer les caméléons, le long-métrage peine à trouver et à prendre forme. Il comprend cela dit de très beaux plans de cinéma, comme celui de ce grand mur rouge entre Henry et Erica, ou des scènes d'une grande intensité, avec par exemple la scène où Lucy Liu, à la performance originale et décente, craque.


Le bilan que propose Kaye dans ce film est sans équivoque et sans espoir. Jusqu'au bout, le public sera martelé par une vision intrinsèquement noire et pessimiste du système scolaire américain (et mondial?). Ce message aurait peut-être gagné à être nuancé, car il vire souvent au pathos, mais on peut comprendre la méritoire envie du réalisateur d'exposer aussi cruellement cette triste réalité. A ce titre s'enchaîneront les portraits de professeurs, personnages ou témoins intervenants, qui feront part de leur expérience toujours plus désastreuse et des maigres mécanismes de défense qu'ils mettent en place pour continuer à survivre en tant qu'être humains. Marcia Gay Harden est un choix évident pour la directrice shuntée. Si Christina Hendricks est plus oubliable, James Caan et Blythe Danner illuminent le corps enseignant. Mais après, quand le spectateur est, tel votre serviteur, déjà servi à la cause défendue par le film, rapport à d'innombrables dîners de famille tournant autour de l'incompétence de l’Éducation Nationale, il est vrai que cela peut paraître un peu plus redondant.


Le film s'attache aussi à la construction complexe du portrait nuancé du personnage principal. Adrien Brody est excellent dans ce rôle d'être à la dérive, guide secrètement perdu, et son interprétation vient corriger les quelques défauts de la narration qui a du mal à cerner complètement le protagoniste. C'est à travers leur relation à lui que les deux autres personnages les plus marquants vont pouvoir se développer : deux adolescentes à la dérive. Meredith, interprétée par Betty Kaye, incarne parfaitement l'effet dévastateur que peut avoir l'intolérance et l'incompréhension. Et Sami Gayle en tant qu'Erica interprète un personnage-choc qui a tendance à se reposer sur ses lauriers de sujet polémique : heureusement, la comédienne livre une performance viscérale qui ajoute de la substance.


"Detachment" s'attaque donc à un sujet complexe avec un aplomb méritoire mais un peu trop radical, se dispersant dans la forme et dans le fond, mais il est sauvé par l'évidente motivation de son propos et l'interprétation de ses comédiens.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Hé les copains, vous pouvez choisir l'option "Nom/URL" pour qu'on sache qui vous êtes. Comme ça si vous me faites des compliments je saurais à qui faire des bisous. Et si c'est des critiques je saurais qui rayer de ma vie. Paix amour bonheur!