vendredi 13 janvier 2012

"A Dangerous Method", David Cronenberg

"A Dangerous Method" suit l'histoire professionnelle et personnelle du célèbre Carl Jung (l'omniprésent Michael Fassbender), psychanalyste reconnu d'abord ami, puis ennemi juré de Sigmund Freud (Viggo Mortensen). Le film replace autour de leur différend le cas de Sabina Spielrein (Keira Knightley), patiente hystérique traitée par Jung à la méthode de Freud qui devint sa maîtresse, puis à son tour psychanalyste.



Le synopsis était alléchant : il s'agissait de narrer les réalités historiques de la naissance de la psychanalyse et de la psychologie au milieu des réticences de l'époque, de dresser le tableau de trois illustres représentants de la disciplines, tout en réhabilitant l'immense Jung, bien moins connu que Freud par la population générale. A ce titre, on appréciera d'assister aux balbutiements de cette discipline résolument nouvelle, dont les maîtres doivent constamment veiller à la crédibilité face à ses détracteurs zélés. La toute-puissance de Freud, en tant qu'instigateur de cette science, est bien retranscrite, et les différences d'opinion avec le jeune Jung sont mises en valeur progressivement. Jamais le film ne tranchera en faveur de l'un ou de l'autre, laissant le spectateur seul juge.


Cependant, le film ne parviendra jamais non plus à entrer dans le débat. Choisissant une durée courte (1h20), Cronenberg ne sait utiliser ce temps : on en perd beaucoup en longues hésitations sur la légitimité de la relation Jung-Spielrein, les ellipses sont nombreuses et mal amenées, et surtout, les grandes discussions entre Freud et Jung sont simplifiées à l'extrême, presque caricaturées. Quand enfin une telle scène perce à travers le mélo romantique, le spectateur est tellement déboussolé par ce soudain revirement qu'il n'a guère le temps de se concentrer sur la substance du propos de chacun. Au contraire, il aurait été largement plus judicieux de faire un film de deux heures où les pensées des deux maîtres auraient eu libre cours pour se rencontrer, échanger, combattre. A la place, on ne trouve que de légères esquisses de leurs dogmes : à peine assez pour justifier leurs querelles et rendre l'histoire principale compréhensible, en y mêlant quelques différends de teneur plus personnelle.



Ainsi, on cherche l'intérêt puisque le focus semble ne se trouver que sur l'histoire d'amour adultère entre Sabina Spielrein et Carl Jung. Les deux personnages cherchent longuement à justifier leur aventure par divers arguments pseudo-rationnels, utilisant impunément la psychologie comme raison : le scénario l'utilise comme panacée, les personnages semblent rassurés de pouvoir se cacher derrière la psyché humaine qu'ils déforment dans le sens qui les arrange le plus, comme une facilité scénaristique. Une telle représentation de la psychanalyse est peu excusable pour un film de ce sujet. Ce sera le cas avec le personnage peu creusé d'Otto Gross, pourtant malicieusement interprété par Vincent Cassel, et qui ne servira au final que de pâle faire-valoir à Jung lorsqu'il cède à la tentation, comme si soudain, sa doctrine psychiatrique se métamorphosait à sa guise. De la même façon, après avoir effleuré très rapidement la psychanalyse de Spielrein par quelques scènes, les fantasmes sexuels de celle-ci apparaissent comme un bienfondé de sa relation avec Jung, seul à même à les comprendre. Ce ne sera de plus jamais aidé par le jeu absolument catastrophique de Keira Knightley qui, toujours touchante dans les histoires romantiques, est tout bonnement pathétique en "hystérique" et ne réussira qu'à scléroser encore davantage cette partie de l'histoire, déjà malheureusement peu appuyée.


Ainsi, dans ce film, tout semble un peu incomplet, un peu bâclé. Beaucoup de sujets passionnants sont évoqués, mais jamais sincèrement traités. A la place, une succession de scènes en rapport plus ou moins direct avec différents thèmes. Les personnages ne seront jamais approfondis, rendant celui de Freud tout à fait transparent et unidimensionnel, tandis que celui de Jung, et malgré les efforts méritoires et impeccables de Fassbender, apparaîtra comme un portrait figé et partiel. Ne restent que les couleurs vives et les plans ingénieux d'une mise en scène soignée, maigre cache-misère de ce film qui semble avoir été fatigué par l'immense étendue du fond de son propos avant même de commencer à le formuler.

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